Les joueurs lyonnais ne le savent que trop bien. A force d'être champion sans forcer, on court toujours le risque de se laisser griser ou de se reposer sur ses acquis. Pour
Pro Evolution Soccer, c'est un peu le même topo. Simplement, à l'heure de la transition sur les machines nouvelle génération et les investissements qu'elle induit, le moment est plus que jamais à la remise en question. Surtout quand le
FIFA d'
EA Sports a décidé de resserrer son marquage sur son rival avec un compromis plus simu que jamais. Est-ce que le leader historique a su élever son niveau de jeu ?
C'est le temps
Les équipes de
Konami auraient-elles du mal à aborder le virage de la nouvelle génération ? A voir la tronche de
PES 2008, la question se pose immédiatement. Autant la thèse du manque de temps pouvait expliquer une version petit bras l'an dernier, autant la tolérance au moindre effort a des limites. Avec son rendu plastique et son terrain en moquette qui n'ont plus grand-chose de photoréaliste à mesure que les années passent,
PES 2008 a déjà deux trains de retard. Le nombre de stades modélisés a certes doublé en un an, et
Konami s'est amusé à reproduire des scènes hors terrain pour ajouter à l'ambiance. Mais tant que les spectateurs auront l'air d'amas de
pixel arts roses et blancs, genre chemise vichy géante déployée à même la tribune, il sera difficile de se plonger totalement dans l'ambiance. Même constat pour les ralentis, qui saccadent méchamment quelle que soit la version nouvelle génération, sans que l'on sache trop pourquoi. La modélisation des joueurs a également du mal à convaincre, avec comme chez
FIFA un traitement inégal entre les quelques stars parfaitement reproduites et le commun des joueurs maltraités et recréés à la hâte. Même sanction pour les commentaires du duo Jeanpierre-Paganelli. Le mixage du son, un peu étrange, éteint l'accent chantant de Paga, mais ses interventions manquaient de toute façon de tonus. On nous avait pourtant promis du mieux de ce point de vue. Des efforts, on en trouve côté habillage, plus stylisé que d'habitude. Les menus essaient, par exemple, de copier
FIFA avec l'intrusion d'un juke-box musical, et des compos un peu plus dynamiques que de par le passé, mais sans vraiment convaincre. En fait, le résultat un peu froid s'avère moins ergonomique à l'usage que les menus en éventail des récents
FIFA.
Côté contenu, les nouveautés de
PES 2008 se résument cette année encore à quelques détails. Des nouvelles licences, forcément, avec l'arrivée des kits complets pour le Brésil, le Portugal, la Grèce, l'Ecosse et l'Irlande côté équipes nationales, et quelques équipes européennes comme Newcastle, Tottenham, Anderlecht, entre autres. La Ligue 1 est fièrement représentée cette saison encore, à la différence de la Bundesliga toujours aux abonnés absents, Bayern excepté. Plus grave, les clubs de Premier League ne sont pas non plus sous licence officielle, sauf exception. Dans tous les cas, les transferts ne sont pas tous à jour (Traoré et Pancrate sont restés à Paris, au hasard), et il ne faut pas compter sur un
patch en ligne pour s'épargner de longues modifications à la main. Cela dit, contrairement à l'année précédente sur
Next Gen, il est possible d'éditer ses joueurs et d'opérer des transferts. La version PS3 offre même une compatibilité avec la caméra numérique pour scanner son visage, même s'il faudra passer du temps à ajuster le visage une fois mappé pour obtenir un résultat correct. Un semblant de notes individuelles apparaît aussi à l'issue des matchs, sans plus de précisions, et les ralentis des meilleurs moments peuvent être relancés et sauvegardés même une fois zappés.
En fait, l'apport le plus notable de cette version côté contenu vient des stats affectées à chaque profil, détaillées au pourcentage de passes réussies, et qui offrent même une petite note pour mieux juger de votre efficacité en attaque et en défense. D'ailleurs, au même titre que la mouture Xbox 360, la version PS3 inclut elle aussi des sortes de "succès" pour récompenser les joueurs chevronnés, et faire oublier le retard du
Home. Côté modes de jeu, on déplorera surtout l'absence du mode Tour Mondial à scénarios de la version PlayStation 2, supprimé sans raison. Pour ce qui touche au
gameplay et aux dribbles, on note essentiellement l'arrivée de nouveaux mouvements comme le crochet en talonnade de Drogba, spectaculaire mais guère évident à sortir. En combinant boutons de tranche et croix de direction, il est à présent possible d'ajouter ou retirer des joueurs du mur, et la simulation - trois touches - vient s'ajouter à toutes les ruses d'avant. Cela dit, nous n'avons jamais réussi à abuser l'arbitre, donc il faut croire que notre vice a des limites.
PES 2 .008
Ce fut difficile à admettre, mais l'orientation de
Pro Evolution Soccer 2008 dérive plus que jamais vers l'arcade tendance moche. Ce n'est même pas une hallucination, juste un constat. Des attaquants bulldozers, toujours les mêmes, qui grillent cinq mètres sur un crochet et ne sont jamais rattrapés, des gardiens qui relâchent la moindre petite frappe à peine placée, et plus généralement un placement défensif bien souvent incohérent qui oblige à passer des heures dans les réglages sans résultat probant : les symptômes sont nombreux et vite identifiés. A un degré moindre, on pouvait aussi reprocher les mêmes défauts à
Pro Evolution Soccer 6, au début, le temps d'opter pour la sélection manuelle des joueurs et de bien positionner sa défense. En fait, deux problèmes viennent miner cette version. D'abord une vitesse de jeu trop élevée, qui ne fait que mettre en exergue le second souci, les proportions étranges des joueurs en rapport au terrain. Peut-être est-ce l'angle de vue adopté par défaut ou tout simplement les animations ratées des courses, qui donnent l'impression de voir des lémuriens s'agiter sur un terrain immense. Peut-être aussi que la comparaison avec la "lenteur" de
FIFA 08 offre un contraste saisissant.
La combinaison de ces deux facteurs débouche en tout cas sur un jeu de bûcherons, où le dribble et la course prévalent sur la construction, faute de défenses en place. Les espaces sont tellement gigantesques entre les lignes, et les joueurs tellement rapides une fois lancés, qu'il suffit d'une bonne passe sur les ailes, désertées comme jamais, pour mettre à mal toute une défense. Tout dépend bien sûr des équipes, mais les joueurs de
PES savent mieux que quiconque qu'on finit le plus souvent par se retrouver face aux mêmes formations. Comme le jeu reste on ne peut plus proche de son prédécesseur, les vieux réflexes reviennent vite ; repiquer vers la surface vaudra toujours mieux qu'un centre, une frappe sur passe en retrait partira souvent mieux qu'un tir placé. Attention, comme toujours avec
PES, ce n'est pas systématique. Entre les différents réglages de marquage, les flèches d'attitude défensive et tout le tralala, il est possible de contourner ce genre de problèmes. Il faut aussi que la passe soit à peu près vicieuse, car les bons défenseurs ont tendance à jaillir tôt sur la trajectoire, encore plus que de par le passé. Mais voilà, il suffit d'une passe bien ajustée sur un Messi, un Henry ou un Cristiano Ronaldo, tous ces magiciens aux douze mille contres favorables, pour balayer d'un revers de la main toutes les excuses du monde. Quand on repense aux défenses compactes de
FIFA 08, limite trop respecteuses des consignes, ce compromis laisse songeur.
En dedans
PES 2008 conserve pourtant les qualités fondamentales qui le rendent plus maniable et plus précis que son concurrent direct. La physique de balle tutoie comme toujours la perfection, avec des rebonds et des contacts capricieux et crédibles, même si les passes en profondeur ont tendance cette année à fuir les joueurs, ou à fuser sur le gazon, ce qui demandera quelques réajustements. En fait, tant que la conduite de balle offrira un confort sans égal, avec des possibilités de dribbles et des changements d'orientation toujours aussi vifs et déstabilisants, la série conservera encore un coup d'avance en termes de
gameplay pur. Même remarque pour la gestion du jeu aérien, si important et souvent si négligé, ou pour tout ce qui concerne les gardiens, même s'ils ont cette année une propension agaçante à dévier le ballon dans leur propre filet. Cela n'empêche pas de trouver certaines animations décevantes cette année, en particulier les courses étranges qui n'évoquent rien sinon un guignol désarticulé. Le bruitage des collisions, caricatural, rappellerait presque le temps d'
EA Hockey. Et on a vraiment du mal à comprendre pourquoi il faut autant de temps pour que l'arbitre daigne siffler la reprise du jeu sur un coup franc ou un corner.
Subsistent quelques motifs de satisfaction, comme des arbitres qui ne laissent plus trop passer les fautes grossières d'anti-jeu, avec sanction lourde et immédiate. Parfois trop. Quant à l'
I.A. en mode
Teamvision, soi-disant capable de s'adapter en temps réel au style du joueur, il faudra sans doute trois mois de parties pour s'assurer de son réel apport. Disons que les équipes font plus que jamais tourner le ballon dans les dernières minutes. A titre d'exemple, il nous est arrivé de voir jusqu'à quatre transversales de suite, comme si un script s'était déclenché, en finale de Coupe Internationale. Après, de là à dire que la différence est flagrante, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Difficile de dire par exemple que les nombreux buts encaissés sur corner sont davantage dus à une
I.A. particulièrement vicieuse qu'à un placement défaillant de notre part ou à une large part de hasard. Néanmoins, l'ordi donne suffisamment de fil à retordre en Professionnel pour se replonger sans crainte dans une Ligue des Masters reboostée, qui inclut cette année un facteur de popularité pour faciliter ou non les transferts des joueurs de prestige.
Quant au jeu en ligne, pas de miracle, il faudra patienter encore un an avant d'avoir droit à quelque chose enfin digne des machines actuelles. Passe encore le
lag à la
Virtua Tennis 3, avec des ballons qui se téléportent, des étapes d'animation qui disparaissent et des tirs sauvés alors qu'on les croyait déjà dans le but. Si l'expérience de l'an dernier a servi, on ose croire qu'un
patch viendra régler la situation au plus vite, sans quoi il y a du souci à se faire. S'il peut également remédier aux nombreux problèmes d'interface, tant qu'à faire, on prend aussi. La communication avec les autres joueurs n'a jamais été plus difficile. Même en branchant un clavier USB sur PS3, il faut nécessairement appuyer sur R3 pour ouvrir la fenêtre de chat, et appuyer une seconde fois pour accéder au clavier numérique et composer son message. Impossible de taper un "fdp" à la volée sur un penalty, par exemple. Il faut donc une nouvelle fois s'en remettre aux phrases préenregistrées pour insul... féliciter l'adversaire sur les ralentis. Comme avant, on retrouve la séparation entre matchs amicaux et matchs classés ; dans un cas il est possible de mettre une revanche illico, dans l'autre non. Les équipes de Ligue des Masters peuvent également être utilisées, et chaque joueur dispose à présent d'un certain crédit de secondes pour opérer ses pauses, qui ne sont du coup plus limitées en nombre. Mouif. De toute façon, la seule option vraiment attendue, le deux contre deux, ne figure sur aucune version cette année. Il est possible de jouer à deux dans la même équipe, à condition de se lancer dans un match amical face à l'
I.A., sinon tout se passe en un contre un, forcément un peu plus limité en termes de convivialité. Signalons enfin que le jeu en ligne sur PS3 demande un code d'activation fourni avec le jeu, comme sur PC, pour s'enregistrer sur les serveurs, en plus de l'inscription
PSN. Bref, le mode Réseau qu'on nous promettait enfin optimisé est encore une fois à la peine, une habitude qui finit par miner le moral.
6 Honnête
Moyen
Trop grande confiance en soi, manque de préparation, toujours est-il que
Pro Evolution Soccer 2008 passe carrément à côté de son match. Et il ne s'agit pas que d'une question de graphisme ou de licences, cette fois. Quand
PES 6 sur
Next Gen avait joué la carte de la sécurité en adaptant à quelques détails près le
gameplay subtil de la version PS2,
PES 2008 se perd en chemin. La physique de balle est toujours sans égale, mais il faut subir cette année des placements défensifs complètement à l'ouest et un rythme de jeu trop élevé, surtout quand on se la joue simu. Pire, le jeu en ligne sur console nouvelle génération se limite au duel. Bref, même si l'on gagne quelques ajouts dans les mouvements, dans l'habillage ou du côté de l'
I.A., on peut difficilement se contenter d'une version à l'économie, surtout quand la concurrence met les bouchées doubles pour creuser l'écart.