Voilà une dépêche qui satisfera tout le monde:
Un conducteur sous l'emprise du cannabis est deux fois plus susceptible de provoquer un accident mortel qu'un automobiliste à jeun, mais ce risque accru reste inférieur à celui induit par l'alcool, même consommé dans les limites autorisées par la loi.
C'est l'enseignement majeur d'une étude épidémiologique, dont l'AFP a obtenu les principaux résultats, qui a consisté à traiter les analyses toxicologiques de tous les conducteurs, décédés ou non, et impliqués dans l'ensemble des accidents mortels de la route entre le 30 septembre 2001 et le 1er octobre 2003.
Cette enquête "Stupéfiants et accidents mortels de la circulation routière" (SAM), menée par l'Inrets (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité) et coordonnée par l'OFDT (Observatoire français des Drogues et des toxicomanies), est la première dans le monde à offrir une évaluation précise du risque "cannabis au volant". Elle a permis d'examiner 17.000 dossiers dont un peu plus de 10.700 se sont avérés exploitables.
Un conducteur qui a fumé du haschisch a près de deux fois (1,8) plus de chance d'être responsable d'un accident mortel.
Toujours supérieur, le risque alcool augmente très rapidement en fonction de la quantité absorbée: ainsi de 2,7 entre 0 et 0,5 gramme par litre dans le sang, il est multiplié par 7 entre 0,8 et 1,2 g/l et par 40 au dessus de 2 g/l. Tous niveaux d'alcoolémie confondus, le facteur de "sur-risque" de provoquer un accident mortel est de 8,5.
Durant la période d'enquête, la part des accidents mortels directement imputables au cannabis est de 2,4% environ (quelque 170 décès); celle de l'alcool est de 28,5% (1.940 morts). Même consommé modérément (moins de 0,5 g), l'alcool a plus tué que le cannabis (3,3%).
Cependant, selon l'étude, le cannabis tue plus que l'alcool dans la catégorie spécifique des hommes de moins de 25 ans. Près de 3% des conducteurs circulant sur les routes françaises sont positifs au cannabis, une proportion équivalente à celle de l'alcool.
Les auteurs de l'étude ont également calculé la "vulnérabilité" des consommateurs de cannabis et d'alcool. Ils ont voulu savoir si fumer du haschisch ou boire accroissait le risque de mourir dans un accident, même si on n'en est pas responsable, en suscitant des conduites à risques comme le non-port de la ceinture. Et c'est le cas: 50 morts par an pour le cannabis, 330 pour l'alcool.
L'étude n'est pas concluante pour les autres substances illicites, amphétamines, cocaïne, opiacés.
L'enquête SAM "renvoie dos à dos tous les idéologues, ceux qui affirmaient, sans preuve, que le cannabis au volant n'était pas dangereux, comme ceux qui criaient au loup pour mettre de l'eau au moulin de leur combat contre le cannabis", selon un médecin.
Cette étude, prévue par la loi Gayssot de 1999 et très attendue, a été achevée au printemps mais ses modalités de parution ont fait l'objet tout l'été de tractations entre scientifiques et politiques.
Aussi irréprochables soient-ils sur un plan scientifique, les résultats de l'enquête SAM risquent de poser un problème politique : l'alcool même consommé à un taux légal se révèle plus dangereux que le cannabis, produit illicite, dont l'usage au volant est sanctionné par la loi du 3 février 2003, qui prévoit une peine de deux ans d'emprisonnement et 4.500 euros d'amende.
Dans les faits, les contrôles préventifs sont rares. Aucune méthode fiable ne permet de déterminer avec précision le niveau et la date de consommation de haschisch.
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