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Contexte [modifier]
À la fin du IIIe siècle av. J.-C., Tarente est une des nombreuses colonies grecques de la Grande Grèce. Les dirigeants de la cité, que sont les démocrates Philocharis et Ainesias, sont opposés à la République romaine, car ils craignent de perdre leur indépendance vis-à-vis d'une Rome grandissante. Cette inquiétude s'accentue après les succès militaires romains : alliance entre Romains et Lucaniens en 298 av. J.-C., soumission des Samnites en 291 av. J.-C., des Sabins en 290 av. J.-C., victoire sur les cités étrusques et les mercenaires gaulois.
L’historien Pierre Grimal[1] rappelle les bonnes relations entre Rome et les cités grecques établies lors des longues guerres samnites, et le développement des relations commerciales romaines vers l’Orient[2]. Toutefois un traité passé en 303 av. J.-C. avec Tarente interdit aux navires romains de naviguer à l’Est du cap Lacinium près de Crotone, c'est-à-dire de passer dans le golfe de Tarente pour aller commercer vers la Grèce et l’Orient. Tant que les guerres en Italie centrale mobilisaient Rome, ces restrictions passaient au second plan. Mais selon Marcel Le Glay[3], une fraction politique romaine autour des Fabii et des grandes familles campaniennes prône l’expansion vers le sud de l’Italie et au-delà. Le blocage des droits de navigation va être un motif de conflit entre Romains et Tarentins.
Les Romains étendent donc leur contrôle vers le Sud en fondant de nombreuses colonies en Apulie et en Lucanie, dont la plus importante est Venusia. Vers 285 av. J.-C., les troupes romaines interviennent dans les colonies grecques d'Italie : Crotone, Locres et Rhegium, pour les protéger des attaques des Lucaniens et des Bruttiens.
Les démocrates de Tarente savent pertinemment qu'une fois terminées les guerres contre leurs voisins immédiats, les Romains tenteront de s'emparer de la ville de Tarente. De plus, les Tarentais s'inquiètent de la prise du pouvoir des aristocrates à Thurii, qui décident en 282 av. J.-C. d'accueillir une garnison romaine dans leur cité, pour faire face aux montagnards de Lucanie[4]. Une autre garnison de soldats campaniens, auxiliaires des Romains, s'installe à Rhegium, mettant le détroit de Messine sous protection romaine. Ces actes vont à l'encontre de l'indépendance des colonies de la Grande Grèce.
La seconde force politique importante de Tarente, les aristocrates menés par Agis, n'est pas opposée à entrer dans l'alliance romaine si elle parvient à reprendre le pouvoir dans la cité. Cette position provoque l'impopularité des aristocrates à Tarente.
Les incidents déclencheurs [modifier]
À l'automne de 282 av. J.-C., Tarente célèbre son festival en l'honneur de Dionysos et, de leur théâtre en bord de mer, ses habitants parviennent à voir des navires romains qui entrent dans le golfe de Tarente[5], mission d'observation de dix navires pontés dirigée par Cornelius Dolabella selon l'historien Appien[6].
Les Tarentais, excédés de la violation par les Romains du traité leur interdisant de pénétrer dans le golfe de Tarente, lancent leur flotte contre les navires romains. Durant le combat, quatre navires romains sont coulés et un est capturé[6].
L’historien romain Dion Cassius donne une toute autre version de l’incident : Lucius Valerius, envoyé par Rome à Tarente, s’approche de la ville. Les Tarentins, égarés par l’ivresse de la fête et croyant à une intention mauvaise, l’attaquent et l’envoient par le fond.[7]
L'armée et la flotte tarentaises poursuivent par l’attaque de la ville de Thurii, rétablissent les démocrates au pouvoir et chassent les aristocrates qui ont fait alliance avec Rome. La garnison romaine est chassée de la ville[6].
Les Romains envoient alors une mission diplomatique dirigée par Postumius. Selon Dion Cassius, les ambassadeurs romains furent cette fois accueillis par les moqueries et les outrages de la populace tarentine, un fêtard aurait même uriné sur la toge de Postumius [7] [8]. Ce dernier se serait alors exclamé « Riez, riez, votre sang lavera mes habits » [9]. Appien donne une version plus neutre de la rencontre : les Romains exigent la libération des prisonniers romains, présentés comme de simples observateurs, le retour des Thuriens expulsés de leur cité, avec indemnisation des dommages qui leur ont été causés, et la livraison des auteurs de ces crimes. Aux revendications romaines se joint le choc culturel : les ambassadeurs romains parlent mal le grec, leurs toges amusent l’assistance[6]. Les revendications romaines excessives sont repoussées, Rome se sent dans son droit et peut déclarer une guerre « juste » à Tarente.
Malgré leur victoire, les Tarentais sont conscients de leur faiblesse vis-à-vis de Rome, et demandent l'aide de Pyrrhus Ier, roi d'Épire.
Premières interventions armées [modifier]
En 281 av. J.-C., sous le commandement de Lucius Aemilius Barbula, les légions romaines entrent dans Tarente et la pillent. Malgré les renforts samnites et salentins, Tarente perd la bataille contre les Romains. À l'issue du combat, les Grecs choisissent Agis pour demander une trêve et engager des pourparlers avec Rome. Cependant, les négociations sont rompues lorsque débarquent à Tarente 3 000 soldats épirotes, avant-garde de Pyrrhus sous le commandement de Milon. Le consul romain Barbula est contraint de fuir, sous la pression des attaques des navires grecs.
La décision de Pyrrhus Ier d'aider la cité de Tarente contre les Romains est motivée par l'aide fournie quelque temps plus tôt par les Tarentais, lors de la conquête de l'île de Corfou par les Épirotes. Les Tarentins lui font miroiter un potentiel de 350 000 hommes et 20 000 chevaux recrutables chez les Samnites, les Lucaniens et les Bruttiens. Son but principal est de reconquérir la Macédoine qu'il a perdue en 285 av. J.-C., mais il n'a pas assez de moyens chez lui pour recruter de nouveaux soldats.
Pyrrhus Ier projette d'aider Tarente, puis de se rendre par la suite en Sicile afin d'attaquer Carthage. Ainsi, après avoir amassé un butin important dans sa guerre contre Carthage et sa conquête du sud de l'Italie, il prévoit de réorganiser son armée pour conquérir la Macédoine.
Préparatifs [modifier]
Avant de quitter l'Épire, Pyrrhus emprunte de nombreuses phalanges au roi de Macédoine Ptolémée Kéraunos (-281 – -279) et demande une aide financière et maritime à Antiochos Ier, roi de Syrie, et à Antigone Gonatas, fils de Démétrios Poliorcète. Le roi d'Égypte Ptolémée II lui promet également d'envoyer 4 000 fantassins, 5 000 cavaliers et 50 éléphants de guerre[10] [11]. Ces forces auront pour mission principale de défendre l'Épire durant la campagne menée en Italie.
Il recrute également de nombreux soldats grecs, comme par exemple des cavaliers de Thessalie et des archers de Rhodes[12].
Au printemps 280 av. J.-C., Pyrrhus embarque vers les côtes italiennes : il envoie à Tarente une avant-garde de 3 000 hommes commandée par Cineas, puis transfère en bateau 20 000 fantassins, 3 000 chevaux, 20 éléphants de guerre, 2 000 archers et 500 frondeurs[13], soit une armée de 25 000 hommes.
Les Romains, prévenus de l'arrivée imminente de Pyrrhus, décident de mobiliser huit légions avec leurs auxiliaires[14]. Ces huit légions comptent 80 000 soldats[15] divisés en quatre armées :
* La première armée, placée sous le commandement de Barbula, a pour mission de retenir les Samnites et les Lucaniens afin qu'ils ne puissent pas rejoindre l'armée de Pyrrhus. Cette armée est cantonnée près de Venusia.
* La deuxième armée a pour mission de protéger Rome, au cas où Pyrrhus tenterait de l'attaquer.
* La troisième armée, placée sous le commandement du consul Tiberius Coruncanius, doit attaquer les Étrusques, afin d'éviter une alliance de ces derniers avec Pyrrhus.
* La quatrième armée, placée sous le commandement du consul Valerius Laevinus, doit attaquer la ville de Tarente et ravager la Lucanie.
Valérius Laevinus décide de se rendre à Héraclée, une ville fondée par les Tarentais, avec l'intention de couper la route de Pyrrhus vers les colonies grecques de Calabre. Cette manœuvre empêche ces colonies grecques de Calabre de se soulever contre Rome.
Les forces en présence [modifier]
Notre source habituelle sur le détail des effectifs romains, à savoir Tite-Live, est malheureusement lacunaire sur cette période[16]. Faute de précisions chez les autres auteurs antiques, les éléments mentionnés ci-dessous reprennent donc Plutarque pour les effectifs grecs et sont complétés par des estimations possibles mais non certaines des forces romaines et alliées en présence.
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